mercredi 2 février 2011

Egypte / USA / Israël : un peu trop mou Barack ?

Les Etats-Unis et l'Egypte entretiennent des relations diplomatiques particulièrement étroites, notamment depuis une trentaine d'années et les accords de Camps David de 1978 qui ont donné lieu, un an plus tard, à un traité de paix entre Israël et l'Egypte, élaboré sous la houlette de Washington. 

Le partenariat géostratégique qui en découla permit aux Etats-Unis d'ancrer davantage encore leur présence au Moyen-Orient, en appui de l'allié israélien. Pour remercier Anouar el-Sadate (et oui..ça date..), une aide financière est depuis ce temps versée par les Etats-Unis au pays des pharaons (plus de 1,3 milliards de dollars annuels) et des accords de coopération militaire assurent au régime égyptien une protection face à d'éventuels ennemis arabes de la région rancuniers vis-à-vis du raïs d'avoir fait voler en éclat l'unité arabe, contre Eretz Israël, que Nasser avait contribué à construire.

Pendant trente ans, tant Anouar el-Sadate que Hosni Moubarak ont construit un système politique autoritaire sur le dos du peuple égyptien mais parallèlement, ils ont contribué à assurer une certaine forme de "stabilité" dans la région. Les USA et Israël ont favorisé le maintien d'un régime quasi dictatorial qui s'est appuyé sur une police politique particulièrement zélée plongeant des dizaines de millions d'individus dans la précarité matérielle et spirituelle, afin de garantir indirectement la sécurité d'Israël et des voies de communication garantissant le transit maritime de l'or noir vers les ports occidentaux.

L'Egypte n'est d'ailleurs pas la seule dictature du Proche et Moyen-Orient soutenue, protégée et financée par les USA. Un paradoxe pour une grande démocratie? Non. Juste du cynisme, de la realpolitik telle que la pratique toutes les grandes puissances de la planète. Difficile de faire la leçon aux américains.. surtout quand on est une ancienne puissance coloniale. 

La situation a cependant évolué depuis la révolution du Jasmin en Tunisie. La rue arabe, fatiguée d'être soumise par tant de régimes autoritaires, semble s'être réveillée un peu partout, à des degrés divers, sur l'ensemble de l'arc arabo-musulman: Yemen, Syrie, Jordanie. A ce jour, l'Egypte constitue l'épicentre de la révolte. Des millions d'égyptiens ont manifesté pour réclamer le départ de leur président. 

Beaucoup de pays, y compris les USA, ont manifesté leur souhait de voir la transition démocratique s'effectuer en Egypte dans les meilleurs délais. A la grande surprise d'Israël, dont certains hauts dirigeants ont accusé le président Obama de les trahir en laissant tomber l'allié Moubarak au profit des manifestants anti-Moubarak. Pour justifier leurs accusations particulièrement graves, les israéliens agitent quelques épouvantails : les frères musulmans, un nouvel Iran des mollahs à leur porte, l'instabilité dans toute la région, et à terme la mise en danger territoriale de leur pays. 

Barak Obama est particulièrement courageux de soutenir si clairement l'opposition égyptienne, alors qu'à Tel Aviv, personne ne souhaite le départ de Moubarak. Il est trop tôt pour prédire quelle sera la situation en Egypte dans les prochains. Mais les Etats-Unis jouent à un jeu dangereux pour eux. A moins de jouer simultanément sur plusieurs tableaux (ce qui reste dans le domaine du possible), la réalité politique interne égyptienne risque de totalement changer leur politique extérieure dans cette région du monde. Soit Moubarak tire rapidement sa révérence, et la transition démocratique se met en marche, quitte à prendre son temps, avec le risque de voir les Frères musulmans remporter les élections. Mais après tout, vox populi vox dei. Et l'image des USA n'en sortirait que grandie dans l'opinion publique arabe. Soit, le système Moubarak se maintient après son départ prévu en septembre 2011 (pourquoi pas soutenu par des puissances émergentes telles que la Chine déjà fort présente sur le continent africain..), et le camouflet risque d'affaiblir durablement l'influence américaine dans la région, qui n'est déjà pas à son maximum, notamment dans l'opinion publique arabe.

Dans les deux cas, ce sont les relations israélo-américaines qui risquent de pâtir de la situation. Mais comment reprocher à un pays d'accéder à la démocratie, si tel est vraiment le cas? Les mouvements islamistes naissent justement du manque de démocratie et de prospérité. Israël devrait montrer davantage d'optimisme face à ces mouvements populaires. Pourtant, M. Netanyahou privilégie le maintien de Moubarak au pouvoir. Comment Israël va justifier un tel positionnement dans le futur ? 

En attendant, les pierres volent Place Tahrir entre pro et anti-Moubarak. De là à rebaptiser la place du nom de Saint-Pierre du Caire.. il n'y a qu'un pas que Moïse hésite encore à faire.

Carte de situation (DR)

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